Personnalités


Des hommes, des femmes qui nous font partager leur vie, leur art, leur passion ayant un lien avec Madagascar.

 
 
 


Une vie pour le HaiFy

“On immola le coq rouge, on en ouvrit le jabot d’où sortirent les graines de paddy. Les graines furent semées ça et là et poussèrent avec succès. Quand il fut mûr, on moissonna le premier riz, on le fit sécher, on le décortiqua. Le grain qui en sortit était d’un beau rouge. Rouge comme le plumage du coq, rouge comme la latérite dans laquelle il fut cultivé, un rouge comme il n’en existe qu’à Madagascar. On le fit cuire, il avait un goût de miel et un parfum de noisette…”
Extrait de la Légende du Riz Rouge, de Mariette Andrianjaka.



    HaiFy*. Ce mot doux à l’oreille l’est aussi au palais puisqu’il désigne un art de la table auquel Mariette Andrianjaka a donné plus de 40 ans de sa vie depuis l’époque héroïque de l’Ecole Hôtelière de Nice, et qu’elle n’est pas prête d’abandonner. Fière, elle l’est d’avoir été formée par un pays reconnu comme étant le berceau de la gastronomie et d’avoir réservé une grande partie de sa carrière à la fine cuisine française. De cette période elle a amoureusement gardé les attestations de son appartenance à une bonne vingtaine de confréries prestigieuses ainsi qu’un carnet d’adresses aussi épais qu’une Bible de ses collègues du monde entier avec qui elle continue d’entretenir d’étroites relations professionnelles.
    Son parcours a connu une réorientation capitale depuis qu’elle a décidé de désormais œuvrer à ce que la cuisine malgache retrouve ses lettres de noblesse. Quand le Roi Radama Ier recevait des délégations étrangères il servait 56 plats différents ! Lors des jours de fête “Asaramanitra” ou “Fandroana” on en programmait de 20 à 30 mais les vrais plats royaux  étaient au nombre de 12 comme les Collines Sacrées. Qu’en est-il resté ? La décadence a débuté au crépuscule de la royauté quand, documents d’époque l’attestant, on servait à la table du Premier Ministre Rainilaiarivony des “Tiripy a la mody de Ka” ou du “Oridevira”…
    Persuadée de ce que la gastronomie est à la fois Science et Art s’adressant au bien-être du consommateur autant qu’à son plaisir, Mariette Andrianjaka a entrepris une somme colossale de recherches personnelles qui l’ont dirigée aussi bien vers les laboratoires pour une meilleure connaissance de ses produits que vers les milieux culturels en sa qualité de Membre du Conseil International des Musées. Amère constatation : la plupart de la documentation réunie sur la gastronomie malgache a été trouvée non point à la Bibliothèque Nationale d’Antananarivo mais au British Museum, à Munich, à Lyon ou à Chicago !
    Son art continue à lui valoir des invitations aux quatre coins du monde pour faire connaître Madagascar et cette cuisine qui lui tient tant à cœur. Elle se souvient particulièrement de l’île paradisiaque de CheiJu en Corée du Sud et surtout de Kuala Lumpur en Malaisie où un prince lui parla de sa fille qu’il a prénommée Ranavalona en hommage à la dernière reine malgache…
    Mariette Andrianjaka est sûrement une des rares femmes de l’Océan Indien et même d’Afrique à être devant ses fourneaux depuis 40 ans et qui pense à tout sauf à raccrocher. Pourquoi déjà vivre de souvenirs même si les Grands de ce monde qui ont été à votre table vont des Présidents Houphouët Boigny et Mitterand au chanteur Belafonte en passant par le Prince Albert de Monaco ? Il y a encore tant à faire comme ce travail en commun avec un professeur de droit “pour mettre un peu d’ordre dans tout cela”, ou ce projet longtemps caressé d’un Musée de la gastronomie. Le dessert aussi savoureux que soient les fruits tropicaux n’est pas pour tout de suite.

*HaiFy : ce mot composé de Hay (savoir ou science) et Fy (bon goût), est la traduction malgache de gastronomie ou art de la table.