Les arts & métiers
Les malgaches sont souvent très ingénieux et inventifs dans certains métiers dont les savoirs faire se sont parfois perdus ailleurs...
La Pirogue à balancier
Perdez-vous un jour dans la campagne environnant Antananarivo et demandez votre chemin au premier paysan rencontré. Vous obtiendrez immanquablement une réponse du genre « Continuez vers le Nord et à tel endroit tournez à l’Ouest… ». Cette aisance toute naturelle à s’orienter n’a pu qu’être héritée de lointains hommes de mer qui avaient une boussole dans la tête.
Océan Indien et Pacifique Sud ont été sillonnés en des temps très anciens par de hardis navigateurs qui n’hésitaient pas à braver une immensité allant de Hawaï au Nord jusqu’en Nouvelle Zélande au Sud, de l’Ile de Pâques à l’Est jusqu’à Zanzibar et la côte africaine à l’Ouest avec escale pour certains, terminus pour d’autres à Madagascar. Cela se passait il y a très longtemps, bien avant que les peuples du Nord ne viennent à leur tour « découvrir » cette partie du monde.
La pirogue multicoque qui a servi aux grandes migrations se rencontre aujourd’hui encore dans toute l’Austronésie où toutefois on l’utilise désormais à des fins moins aventureuses. La pirogue double est constituée par l’assemblage de deux coques d’égales dimensions. Le terme occidental de « Catamaran » est lui- même issu de la langue des Tamouls où « Kattu Maram » signifie « troncs assemblés ». Dans la pirogue à balancier la place de la deuxième coque est prise par un flotteur-balancier plus petit appelé en malgache « Fanarina ». La pirogue est un « tokam-panarina » quand elle est dotée d’un seul balancier, et un « roa fanarina » quand elle en a deux à la manière des Trimaran.
La répartition géographique des multicoques est assez bien marquée. La pirogue double est surtout prédominante dans le Pacifique Sud, et la tradition orale raconte que les ancêtres des Maoris utilisèrent ce genre d’embarcation pour rejoindre la Nouvelle Zélande. La pirogue à double balancier est plutôt concentrée du côté de l’Indonésie et des Philippines où les balanciers sont confectionnés dans du bambou léger. La pirogue à balancier unique se rencontre un peu partout dans les deux océans avec toutefois des différences quant au rôle dévolu au balancier. Dans la plupart des îles polynésiennes ainsi que chez les Vezo de Madagascar il sert de contrepoids quand on est au vent (andohatsioka) et de flotteur quand on est sous le vent (ambolitsioka). A Nosy-Be par contre, au Sri-lanka et dans l’archipel des Tuamotu il sert uniquement de contrepoids et est taillé dans du bois massif pour assurer l’équilibre recherché. Ces types d’embarcation ont aux îles Carolines et Marshall fait l’admiration des connaisseurs qui n’ont pas hésité à les surnommer « Flying Proa » ou pirogues volantes en raison de leur vitesse et de leur maniabilité.
Les voiles connaissent elles aussi des variantes. En Indonésie et en Nouvelle-Zélande elles sont triangulaires. Les pirogues Te Pukei de Santa Cruz, les pirogues Ndrua des Fidji ou encore les pirogues Pahi de Tahiti sont par contre équipées de voile à la configuration très particulière en forme de pinces de crabe. Au Sri-Lanka et à Madagascar enfin ce sont de grands quadrilatères de toile utilisés également et fort à propos comme abri par les pêcheurs pour leurs campements à terre.